Article

Fonder la démarche RSE dans le secteur agri-agro sur la « solidarité dans les filières »

Didier Livio
Didier Livio, cofondateur et CEO de Foodpilot

La question du développement durable dans le secteur agricole est un sujet qui nécessite que tous les acteurs du secteur se mobilisent ensemble. Il est en effet impossible d’aller vers une alimentation durable sans une accélération de la transition environnementale de l’agriculture et de l’élevage qui sont le point de départ, le début de la chaîne. Mais comment accompagner les acteurs dans leur démarche de développement durable et, plus globalement, de responsabilité sociale des entreprises (RSE) ?

L’éclairage de Didier Livio, cofondateur et CEO de Foodpilot, la première solution digitale systémique – dont Agdatahub est partenaire – pensée pour piloter le progrès environnemental et la décarbonation des produits alimentaires, de la ferme au consommateur, grâce à des données réelles et vérifiées.

Quel est l’enjeu du développement durable et de la RSE dans les filières agri-agro ?

Didier Livio : Cet enjeu porte à la fois sur les pratiques agronomiques, d’élevage et industrielles puis sur les data pour les piloter. Il faut donc d’abord se concentrer sur ces pratiques. Dans le cycle de vie complet d’un produit alimentaire quel qu’il soit, on recense entre 180 et 250 pratiques différentes, de la semence à la destruction de l’emballage. Elles se répartissent entre tous les acteurs de la chaîne, chacun d’eux ayant entre 10 à 50 pratiques propres sur lesquelles il peut agir pour contribuer à son niveau à la construction d’un produit alimentaire durable. 

Le constat est assez vertigineux… Comment procéder ?

D. L. : Il y a en effet, à première vue, un aspect inextricable étant donné l’ampleur du nombre d’actions pour espérer trouver ce changement vers une alimentation durable. C’est pourquoi il est nécessaire d’adopter une approche plus fine et se demander quelles pratiques ont le plus d’impact. Première bonne nouvelle : seules 10 à 15 pratiques entraînent 80 à 90 % des impacts. Et deuxième bonne nouvelle : elles sont réparties tout au long de la chaîne, entre les différents acteurs. 

Comment Foodpilot accompagne-t-il le secteur agri-agro dans cette voie ?

D. L. : Notre démarche repose sur un système dit « semi-spécifique » que nous avons conçu durant l’expérimentation affichage environnemental de l’Ademe en 2020 et 2021. Alors que la plupart des plateformes travaillent sur des données dites moyennes et concernant la totalité des pratiques, nous pensons que, pour mener une transition rapide et maîtrisable, il faut arrêter de se noyer dans la totalité des pratiques et se concentrer sur les données spécifiques de la quinzaine de pratiques à plus fort impact. À titre d’exemple, si la filière porcine se concentre sur deux actions qui sont l’abandon du soja brésilien et la couverture des fosses à lisier, elle divise par deux ses émissions de carbone en quelques années ! En outre, si on répartit ces pratiques sur tous les acteurs d’une filière, chacun en aura seulement une ou deux à mettre en œuvre.  Donc, si nous nous concentrons uniquement sur ce qui a le plus d’impact environnemental, il y a relativement « peu à faire »… sous réserve d’un accord sur les modalités de financement bien entendu ! 

Comment cela-il peut se faire en pratique ?

D. L. : Cela est donc encourageant à condition que l’on s’attaque au problème tous ensemble. Ainsi, il faut donc concentrer les moyens sur les pratiques à plus fort impact mais également trouver une solidarité au sein des filières. Celles-ci doivent identifier ensemble ces pratiques, leur répartition entre les acteurs et la répartition de leur coût sur eux. En effet, le vrai coût de la durabilité, c’est identifier le surcoût d’un produit durable et comment il est pris en charge. Tout cela est parfaitement appréhendable de manière objective via des méthodes maîtrisées depuis des années d’analyse des cycles de vie et de connaissances des impacts environnementaux destinés à corriger les limites de la méthode ACV. Ensuite, au sein de chaque filière, il faut fixer collectivement des objectifs, se répartir les pratiques et définir la trajectoire et les délais de chaque groupe d’acteurs. En résumé, il s’agit de construire un plan de transition pour chaque filière.

Quels sont le rôle et la place des données dans cette démarche ?

D. L. : Avoir un plan de transition, c’est bien. Pouvoir le piloter, c’est mieux ! Et c’est là que les données entrent en jeu. Elles sont au cœur du pilotage. Les données sont à la fois un outil pour contrôler la transition et un socle solide pour le versement des primes au développement durable. Si on peut remonter les données de tous les acteurs (agriculteurs, abattoirs, fabricants…) dans un système unique, on peut regarder l’évolution à n+1, +2 etc. et voir très rapidement les mesures correctives à apporter. La traçabilité offerte par les données permet de piloter les transitions négociées dans les filières. D’où notre alliance avec Agdatahub, qui garantit par ailleurs la fiabilité et la sécurité de l’origine de ces données (voir verbatim).

Outre les données, quels sont les outils à disposition du secteur pour mener cette transition RSE ? 

L’affichage environnemental en est un. Il crée une relation avec le consommateur qui a ainsi la transition concrètement sous les yeux. Il peut alors accorder plus de valeur à un produit durable et, ainsi, participer à financer le changement. Ce label public est à la fois un gage de confiance et de transparence, une véritable information sur la transition et un moyen de lui montrer que tout le monde avance ensemble. L’affichage environnemental lui montre la réalité de sa participation dans l’atteinte de l’objectif. Le crédit carbone est un autre outil précieux, cette fois pour le financement de la transition. Il induit que tous les acteurs en relation finale avec le consommateur doivent montrer la trajectoire de la décarbonation à toute la filière. Ils doivent pour cela financer les projets d’accélération de captation du CO2. C’est aussi un moyen de revenu complémentaire pour les agriculteurs qui vont mettre en œuvre les solutions.

La RSE passe aussi par le devoir de vigilance, instauré par la Loi Pacte de 2019 afin de prévenir les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance liés aux opérations des entreprises. Qu’est-ce que cela implique ?

D. L. : En effet, cette loi stipule que tout metteur en marché final est responsable, au nom du devoir de vigilance, sur le dernier du dernier des fournisseurs : il ne peut pas se défausser sur son premier fournisseur des méfaits de fournisseurs qui sont intervenus en amont. Et si l’on croise le devoir de vigilance avec la CSRD européenne* qui applique à 50 000 entreprises (contre 1 500 auparavant) l’obligation de reporting, cela entraîne toute la supply chain, y compris les petites entreprises que les plus grosses entraînent avec elles au nom de la responsabilité. Tout cela va provoquer une transformation rapide des filières agri-agro vers la durabilité. Car, si l’enjeu carbone est évidemment important, il y a de très nombreux impacts environnementaux et sociétaux à prendre en compte pour piloter une stratégie de développement durable. C’est ce que nous proposons via notre plateforme.

*CSRD : directive européenne « Corporate Sustainability Reporting Directive » 

Piloter la transition RSE dans son entièreté

Virgine Becquart, Cofondatrice et COO de Foodpilot

« La vision de Foodpilot est celle d’une plateforme qui permette à un acteur agri-agro de piloter toute la transition RSE au sens large c’est-à-dire le pilier environnemental, qui est un sujet clé, mais aussi tous ses engagements : sociaux, place dans le territoire, impact au niveau national et international… L’enjeu, pour nous, est non seulement de mesurer mais surtout de permettre le suivi et l’atteinte des objectifs des acteurs du secteur. Et pour cela, il faut avoir les données les plus précises possibles et pouvoir les suivre au fil du temps. Bien des solutions existantes sont fondées sur des méthodes de calcul qui n’ont pas été vérifiées. Leurs bases de données sont donc faussées. Or, avec l’entrée en vigueur de l’affichage environnemental, il faut pouvoir présenter des scores justes, construits sur des données transparentes. 

Il est donc vraiment essentiel que la plateforme Foodpilot se source auprès de données vérifiables disponibles auprès d’Agdatahub,vprestataire d’intermédiation de données tiers de confiance.. Par ailleurs, notre partenariat avec Agdatahub permet de garantir aux agriculteurs la parfaite maitrise de leurs données. »

Agdatahub et Foodpilot ensemble au SIA 2024
Du 24 février au 3 mars prochain, rendez-vous au Salon international de l’agriculture (SIA) où Agdatahub et Foodpilot présenteront conjointement la version finale de leurs plateformes. Plus de trente clients sont déjà embarqués dans l’aventure. Un « Tour de France phygital » sera organisé dans la foulée du SIA au deuxième trimestre avec des événements en région et un webinaire.

profession agricole
Matinale AID
standardisation données agricoles